Pétillant et gourmand, Gilles Cresno est un artisan à part. Avec une soif d’apprendre qui l’a mené, très jeune, dans les plus grandes maisons de chocolat. Le talentueux chocolatier « s’exile » alors en banlieue parisienne, loin des fioritures, pour diriger avec pragmatisme et convictions son entreprise naissante. Son objectif : offrir une expérience nouvelle avec un chocolat riche en goût et juste en prix. Et aller à l’essentiel en connaissant parfaitement son produit, puis manager ce métier autrement, dans la polyvalence, la responsabilité et l’humain pour redonner du sens. Ses clients se pressent dans son laboratoire et ses boutiques à Nanterre et Rueil-Malmaison et les avis sont dithyrambiques. Mais le Maître Chocolatier reste humble, afféré à bâtir les fondations d’une maison nouvelle, construite sur un chocolat toujours exceptionnel, juste et accessible.
“Petit, je n’aimais pas le chocolat”. Écœuré était-il par ces sucreries emballées comme des pralines de fin d’année, ou le chocolat Galak glissé dans son sac d’écolier. Le petit vendéen a déjà un palais très fin et sensible aux goûts raffinés. “J’ai beaucoup bougé dans mon enfance en allant sur l’île de Ré, puis en Dordogne ; et après en Vendée. Mais depuis toujours, je voulais être cuisinier, puis pâtissier.” Fils d’un père dentiste et d’une mère pharmacienne, il est gourmand dès l’enfance, et d’ailleurs toujours présent dès qu’il y avait un goûter. Sa mère cuisinait, et toutes les techniques de cuisine ou de pâtisserie l’émerveillaient. “Préparer une pâte à crêpes, casser des œufs, faire une tarte aux pommes… c’était magique.” Dans cette fratrie de 3 garçons, il est le seul à aimer autant les gestes manuels et avec un goût très prononcé. Cela ira jusqu’au bricolage, et c’est lui qui assurera jusqu’au carrelage, électricité, mobilier et peinture de ses boutiques plus tard. “J’aime ces métiers-là.” A la maison, féru de modélisme, il va même fabriquer une rampe avec des bâtons en bois et les bords décollés. Un travail minutieux de plusieurs centaines d’heures, planifié étape par étape. “Tout cela m’a façonné avant même que je commence.” Dès l’adolescence, c’est lui qui assurera la confection de tous les gâteaux dans sa famille. En particulier, une charlotte de poires et chocolat. “Mon père m’avait dit qu’il faudrait acheter les biscuits à la cuillère. Mais j’avais une recette et je les ai faits moi-même avec la charlotte au chocolat. Le mélange n’était pas parfait. Il y avait des petits morceaux de chocolat qui étaient restés mélangés avec un petit peu d’œuf. Mais cela donnait du croquant, en plus de la mousse, et tout le monde s’était régalé.”
Gilles Cresno commence donc son apprentissage à 16 ans, avec la certitude qu’il sera bientôt pâtissier. Il est placé chez Gelencser “qui est une excellente maison, et d’ailleurs, c’était un chocolatier qui avait fait ses classes en Suisse.” Un artisan avant-gardiste pour l’époque car il avait un savoir-faire qui n’était pas traditionnel ni local. C’est là qu’il découvrira le chocolat. “Faire des choses extraordinaires, c’était cela ma première motivation et cette matière s’y prêtait bien.” Il va donc continuer avec un BTM (brevet technique des métiers) de chocolatier-confiseur dans le Nord à Cysoing, pendant 2 ans. Puis une spécialisation en chocolaterie, et décrochera son CAP Chocolatier, sans aller dans les distinctions pourtant pressenties pour lui, car il veut aussi bâtir une famille. Désormais il peut être chef de fabrication, diriger une entreprise et former des apprentis. “Cela m’a permis d’acquérir certaines bases mais il y a beaucoup de choses que je fais en autodidacte.” Après ses études, il s’exercera encore une petite saison à la montagne en tant que pâtissier, et quelque temps à la Maison du Chocolat où il apprendra la gestion et les contraintes du métier pour maintenir une qualité irréprochable. “J’ai beaucoup appris car ils ont un savoir-faire, une vision plus industrieuse mais malgré tout dans le bon sens du terme. Comment ne pas sacrifier le produit pour qu’il passe dans une machine (à cause des volumes conséquents) mais se poser de bonnes questions, et les préoccupations en matière d’hygiène et de qualité qu’un grand groupe de luxe se pose.” Il va travailler également chez Ladurée et Rémy Henri à Colombes, où il a l’idée d’entreprendre. “C’était une fabrication à l’ancienne avec peu de moyens, la petite série. Cela m’a montré qu’avec peu d’investissement, on peut commencer même si c’est très manuel.”
Gilles Cresno prend donc son indépendance en 2003, pour enfin faire les choses à sa façon. Le créateur ne trouve pas de nom à son entreprise, et va signer ses chocolats par son nom. Il s’installe avec son épouse dans un studio pavillonnaire, situé en rez-de chaussée à Nanterre. C’est là qu’il va lancer son activité avec des chocolats maison de qualité, “fabriqués le matin et vendus l’après-midi”, en cherchant surtout à contenter ses clients, sans pression de marge, de rentabilité, ou de dettes à recouvrir. “Je faisais les choses comme j’en avais envie, je créais comme j’en avais envie, et donc quelque part, j’avais cette aisance et cette liberté. J’étais dans un endroit improbable, dans une impasse, mais bien placé géographique dans les Hauts-de-Seine. Et le reste s’est fait par le bouche à oreille.” Il va prospecter dans des centres d’affaires, des grandes entreprises pour se faire connaître, en donnant des échantillons. Et puis petit à petit, la notoriété se fait, avec la fraîcheur d’un chocolat bon. Une activité qui se développe aussi de manière très saisonnière, avec Pâques et Noël très demandé. “Je fermais 5 mois par an, puis je rouvrais en septembre. J’ai démarré avec un petit tour réfrigéré, un comptoir, une petite cuve, une climatisation et voilà.” A l’époque, le Maître-chocolatier n’aimait ni le café, ni le fromage, ni l’alcool. Mais il a évolué depuis. “J’ai donc confectionné les gourmandises que j’aimais, celles que je trouvais très bonnes. Je voulais que tout soit bon et offrir le meilleur de ce que j’aime.” Aujourd’hui, il y a 40 variétés de chocolat et toutes les tablettes sont présentes. Donc quatre fois plus d’offres qu’avant !
Son chocolat du mois, est également très apprécié. Une création de saison ou une recette reprise, donc un bonbon éphémère, qu’il confectionne au yuzu, à la réglisse, aux brisures de châtaignes… “Je limite les variétés offertes, car je ne peux fabriquer les 200 variétés que j’ai créées., ni les proposer tout le temps et en même temps. Cela permet donc d’avoir toujours des produits extra-frais et une rotation rapide. Et on a ainsi de tout, mais en quantité limitée.” Sa boutique, place de l’église, ne désemplit pas, ainsi que son laboratoire, quelques rues plus loin et sa troisième boutique à Nanterre. Des chocolats toujours exceptionnels, parfumés et délicieux en bouche, qui lui vaudront nombre de récompenses et notamment celles du prestigieux club des Croqueurs de chocolat plusieurs années consécutives et des avis dithyrambiques sur internet. “Je ne suis pas tout cela, ni les avis sur Internet, mais on me le dit. Le plus important pour moi, c’est d’avoir une démarche sincère et gourmande en utilisant les meilleures matières premières ; puis en créant des recettes subtiles et en assurant une fraîcheur maximale dans le respect des contraintes du chocolat.” Ses projets aujourd’hui, c’est de pérenniser l’entreprise. Les pralinés sont fabriqués dans les anciens locaux à Nanterre avec la torréfaction des fruits secs et la caramélisation, ainsi que le broyage et la transformation en pralinés avec l’affinage. Et dans l’atelier de Rueil, on fait les chocolats de base pour toutes les boutiques. On a aussi un autre local pour du stockage (sacs, boîtes rigides…). “L’idée serait de se regrouper un jour, en continuant d’associer des bases solides”, c’à-d une équipe polyvalente, un budget investi dans la production et des choix rationnels (cartonnage, communication, …) pour avoir toujours le meilleur chocolat, à un prix attractif.
Passionné, bosseur et humble, telles sont les qualités premières de cet artisan qui sublime le bon chocolat d’une justesse et d’une précision absolues. Un produit de luxe ? De qualité toujours avec pour seul intérêt, que le client soit satisfait, qu’il y est de l’émotion et du plaisir dans chaque dégustation. Et que cette émotion leur donne envie de revenir. Un pari gagné dans cette banlieue paisible où l’on accourt désormais de toute part pour en avoir plein les papilles des savoureux chocolats Gilles Cresno.
Textes et photos sont une création originale de ©Carine Mouradian, suite à une rencontre le 4 mai 2018 – Tous droits réservés.
Lien vers le site de Gilles Cresno Chocolatier