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Une cuisine de signature aux parfums de Provence

Il a l’élégance et le savoir-faire d’un grand chef. Et un art qui se dévoile tout en contrastes. Raffinement du lieu, subtilité des saveurs, créativité des recettes qui surprennent sans cesse et procurent le plaisir du bien manger, en plus de celui des retrouvailles. Fils d’agriculteur, Jacques Chibois s’oriente avec détermination vers la cuisine afin de révéler le don de la nature et créer ces moments de bonheur. Et depuis, il compose sans cesse avec les identités de son parcours, pour une signature unique, faite d’associations inédites et de produits authentiques, qui chantent un pays, une région et un lieu, en réunissant dans la convivialité et le partage.

L’enfant des champs

Jacques Chibois est fils unique, originaire du Limousin. De son enfance à la campagne, il puise son amour de la nature et son sens inné de la vie sauvage. “On faisait 3 kms à pied à travers les bois pour aller à l’école. On y voyait des lièvres et des renards et j’ai vite appris à connaître la nature. Louveteau aux scouts de France, il devient un jeune aguerri avec un tempérament de chef, “qui se dirigeait à l’instinct sans boussole, en étonnant tous ses camarades de ville. Il vit aussi de grands moments de communion familiale autour de la cuisine, toujours préparée avec soin et pour faire plaisir : les bons repas de famille avec le retour de l’oncle de Paris, les fêtes du village : la batteuse, le cochon… et les veillées l’hiver dans les fermes isolées.

Le vieux moulin de son père meunier faisait partie de ces moments privilégiés car sa mère, très bonne cuisinière, recevait à une table d’hôtes tous les paysans venus moudre leur blé. “Elle était périgourdine et faisait une cuisine de Dordogne exceptionnelle. Elle avait même appris la pâtisserie pour me régaler. La flaugnarde, une sorte de crêpe aux cerises, aux pommes ou aux poires, les beignets, les ragoûts de pied de porc, le poulet aux cèpes… La maladie de la farine obligera son père à déménager et mettre son moulin en fermage (mais le Chef Chibois vient de le racheter et le refaire comme à l’origine). Installé à Limoges, il continue alors ses études et obtient un BTS d’agriculture. Mais à 18 ans et demi, il demande à changer de voie pour devenir un grand cuisinier, et rentre en apprentissage chez Michel Fernand, au restaurant hôtel “Les Justices” à Saint-Jules-Martel. “Je commençais à 8h et on finissait à 11h du soir. Et il sera testé pendant 6 mois avec les tâches les plus ingrates et difficiles, jusqu’à ce que le Chef lui souffle un matin : “Petit, tu seras un grand cuisinier !” Comme l’hôtel était en vente, Monsieur Michel va appeler une connaissance Michel Guérard pour transférer son protégé et, malgré les réticences de ses parents, le jeune Jacques monte à Paris “car c’est là qu’est la place d’un cuisinier.

Réussir son Paris

“Paris, cela a été la chance de ma vie ! Jacques Chibois y passera au total 6 années où il va poursuivre son apprentissage et confirmer sa vocation auprès des plus grands cuisiniers. En premier lieu, Michel Guérard au “Pot-au-feu” d’Asnières, “un petit bistrot qui avait 2 étoiles Michelin à l’époque, perdu derrière les usines Chausson de camions et de cars. Et pourtant, le restaurant ne désemplit pas, avec deux mois de réservation pour y venir manger, et des célébrités comme Onassis pour client. Les horaires sont éreintants mais le jeune apprenti tient bon, “car je voulais montrer à mes parents que j’avais choisi la bonne voie et ne pas finir banquier au Crédit Agricole. Un incroyable destin pour ce jeune cuisinier puisqu’il s’apercevra même au bout d’une semaine qu’il y a eu méprise car la vraie connaissance de son ancien patron est un homonyme qui travaille au service Avitaillement d’Air France. “Cet heureux hasard a changé mon existence et le Chef Michel Guérard d’Asnières sera mon étoile de berger toute ma vie…

Très vite, Michel Guérard lui demande de remplacer le Chef du cabaret Régi’Skaia où il exerçait aussi en tant que consultant. Jacques Chibois accepte “pour ne pas le décevoir, alors qu’il n’a que 19 ans et prépare encore son CAP de cuisine. “Je faisais les plats des examens pour le repas du personnel car tout le monde ignorait que je préparais ce concours. Six mois plus tard, il décrochera la mention de meilleur apprenti de Paris et partira au service militaire pour devenir le cuisinier particulier d’un Général 4 **** puis Maréchal des logis Chef. De retour, il va entamer un tour de France pour parfaire son métier auprès des plus grands chefs étoilés avec notamment Jean Delaveyne, Roger Vergé et Louis Outhier. Puis il revient chez le Chef Michel Guérard à Eugénie-les-Bains pour lancer la cuisine minceur et préparer toutes ses émissions télévisées. Il prend aussi la direction des cuisines du nouveau Club Régine’s à Paris, New York et Londres.

Un grand Chef au pays de l’huile d’olive

En 1981, par l’intermédiaire d’une collègue, il va entendre parler d’un poste de Chef cuisinier dans un grand hôtel, le Gray d’Albion de la Côte d’Azur. Il est retenu et dès son arrivée, le propriétaire libanais, Albert Abela, teste ses compétences. “Dans une heure, je veux goûter votre cuisine !” Le Chef Chibois se souvient encore du menu concocté en vitesse et qui fera son effet. “Une petite entrée avec une salade croquante, un veau citron et un millefeuille de pommes avec une sauce caramel qu’il propose toujours sur sa carte des desserts. Deux mois plus tard, il a la responsabilité de tout le déroulement des dîners d’ouverture et de clôture du Festival du Film de Cannes, puis il supervisera l’ensemble des 4 restaurants. “Il a fallu apprendre la gestion, l’organisation et les lois sociales, et j’ai travaillé pour lui en me donnant corps et âme, et avec la plus grande honnêteté.

Ses efforts seront récompensés. Le Royal Gray sera le premier restaurant de la ville de Cannes à obtenir 2 étoiles au Guide Michelin et 4 Toques Gault et Millau. Jacques Chibois sera aussi élu Chef de l’année pour sa cuisine inventive, moderne et délicate. En effet, sur ces terres méditerranéennes, tout est exotisme pour le Chef. Et il va utiliser son talent et son savoir-faire pour réaliser une cuisine faite d’associations de saveurs, de parfums et de légèreté aux couleurs de Provence. “Ce qui a été le plus marquant pour moi en arrivant dans le Sud, ce sont les produits et le style de cuisine. J’ai découvert l’huile d’olive, les courgettes, les herbes, les fruits, les légumes de Méditerranée… et j’ai commencé à faire des mélanges car j’étais sans à priori sur la culture de la région. Des girolles sautées avec des pâtes et des courgettes, des olives vertes confites en dessert et la fameuse glace à l’huile d’olive qui va marquer tous les critiques gastronomiques. Il va aussi appliquer tous les principes de la cuisine équilibrée, grâce à son travail avec les diététiciens chez Michel Guérard. “J’ai toujours eu de l’admiration pour ce chef, même après l’apprentissage chez lui. Il a réussi tellement de choses ! Et je me disais, je serais comme lui. Cela m’a conduit à cette vocation.

Transmettre le goût de la Bastide

La culture du goût et du partage, voilà ce que le Chef Chibois a voulu transmettre en cherchant un lieu où s’établir. En 1996, après 5 ans de recherche, il achète la Bastide Saint-Antoine, une demeure provençale datant du XVIIIe siècle, au milieu d’un jardin d’oliviers millénaires. “Avec ma femme, nous voulions avoir un côté familial et convivial, dans le sens qu’on crée une fête avec de la nourriture et surtout, on ne fait pas la cuisine pour soi-même. On la fait pour réunir les autres. Ici, sur les hauteurs de Grasse, l’art de vivre est de mise, dans une grande élégance et beaucoup de naturel. Tandis qu’Odette, sa femme, s’occupe de l’accueil des clients et de l’hébergement 5*****, classé Relais & Châteaux, le Chef est aux fourneaux pour innover avec une cuisine délicate et sensorielle. Fruit de son expérience personnelle, elle marie de manière surprenante, plusieurs inspirations avec un grand respect du terroir, des lieux et des personnes et réactualise la cuisine provençale. “Personne ne prenait des herbes pour faire de la pâtisserie ! Le Chef crée des recettes uniques comme le sorbet orange avec une sauce au basilic, le pageot au jus d’oignons et de fenouil, la soupe froide de légumes à la menthe ou le papillon de langoustines avec des agrumes, de l’huile d’olive et de la coriandre sèche…

Et il cultive la générosité qu’il a toujours voulu révéler dans son métier. “Donner gratuitement, réunir et faire plaisir à chacun, parce que l’on a tant reçu. Cuisiner engagé, le Chef veut aussi transmettre son savoir-faire et être l’ambassadeur d’une cuisine authentique. La cause des défavorisés le concerne plus particulièrement, et notamment dans les hôpitaux et les écoles. Il s’engage pour des leçons de goût auprès des enfants, “car c’est à cet âge-là que se fait leur apprentissage ; des dons et des grands repas pour des causes comme la maladie d’Alzheimer, puis la pédagogie et l’élaboration de recettes qui redonnent le goût de vivre aux transfusés et l’importance du respect de la nourriture “car la cuisine permet une créativité sans limites.

Finesse et volonté, discrétion et honnêteté caractérisent le talentueux Chef Jacques Chibois. De ses racines terriennes, il a gardé la simplicité et l’élan qui donne vie et révèle la beauté de la nature dans tout ce qu’elle offre de précieux par le travail des hommes et par le don de ses produits. Puis cette sérénité et cette joie de vivre, que l’on retrouve dans sa cuisine à la fois raffinée et digeste, et qui va à l’essentiel toujours par des chemins nouveaux et à travers des goûts subtils. Sur ces terres de Méditerranée, l’enfant du Limousin a gagné son pari en offrant une cuisine de signature qui chante le terroir et marque sa différence.

Textes et photos sont une création originale de ©Carine Mouradian, suite à une rencontre le 3 août 2017 – Tous droits réservés.

Lien vers le site de Jacques Chibois

Galerie photos de Jacques Chibois

L’authenticité selon Jacques Chibois, l’artisan d’une cuisine de goût

“ J’aime la vérité. J’aime les gens qui aiment les autres, et le métier de cuisiner c’est de faire plaisir aux clients. Quand j’ai commencé mon métier, ma mère m’a dit : “tu sais mon petit, dans ton travail, tu ne devras jamais compter ni ton temps, ni ta générosité, ni tes efforts… Car c’est en te donnant entièrement aux hôtes que tu recevras ta récompense.” La vérité est là. Le plaisir de faire la cuisine, c’est de voir les gens heureux. Et la chance que nous avons, c’est que tout de suite, on a la reconnaissance et on peut aussi la leur donner. Car c’est un acte très intime que de manger. La nourriture, c’est même le premier cadeau que l’on donne à quelqu’un. Et j’irai même plus loin, puisque la première culture que l’enfant a à sa naissance, c’est le goût. Voltaire disait : “Dis-moi ce que tu manges, je te dirais qui tu es.” Elle nous identifie par rapport à une région, à un pays, à une famille même. Et le mariage de tous ces éléments, puis celle de notre apprentissage, de l’interaction avec notre environnement et avec tout ce qu’on aura parcouru dans le monde, ajouté à notre personnalité, cela permet de faire une cuisine de signature. On remarque que lorsque les gens mangent bien, ils sont automatiquement souriants et heureux. On peut donc créer une ambiance familiale où les gens s’amusent, parlent ou racontent des histoires. Ils sont alors naturels et deviennent eux-mêmes. Même en politique, on prévoit des repas avant toute négociation difficile. Mais le geste le plus pur, c’est de donner gratuitement cette attention pour que la personne se sente accueillie pour elle-même, et non dans un but ou pour ses titres ou son statut. Et comme on ne peut acheter quelque chose qui se donne librement, cela n’a pas de prix et forme des souvenirs mémorables et qui donnent du sens à la vie.

Etre authentique permet aussi de construire un réseau bâti sur des fondamentaux. Pour moi, c’est l’honnêteté en premier lieu car la personne qui m’emploie m’a accordée sa confiance et je ne veux pas la trahir d’aucune manière. C’est ainsi que j’ai gagné le respect des autres, de mes patrons, des commerçants, des employés et même des syndicaux quand j’étais au Gray d’Albion. La relation professionnelle évolue alors vers une amitié durable qui se vérifie dans le temps. J’ai toujours tenu à avoir une relation personnelle et privilégiée avec tous ceux qui participent à cette belle entreprise qui est de recevoir chez soi, en offrant le meilleur de soi-même, de sa région, de ses produits locaux… Je n’oublie jamais que je suis fils d’agriculteur avec la rigueur, le travail et la constance comme valeurs, et ma vision a toujours été dans la transparence et la prise de responsabilité.

J’ai eu cette chance de grandir dans une famille qui m’a donnée une grande liberté d’explorer la vie et la nature. Cela m’a donné l’amour du terroir et le respect du produit et de ceux qui le font. C’est pourquoi je milite aujourd’hui pour faire passer ce message auprès des jeunes générations. Nos agriculteurs sont les jardiniers de la terre, les jardiniers de la France, les jardiniers d’une région. Et ce sont eux qui nous font manger en offrant de bons produits. Il faut donc respecter la nourriture et arrêter le gaspillage. Et comment faire autrement quand on sait qu’un vrai paysan est amoureux de ses produits et de ses bêtes. Il est heureux de vous donner ce bon produit qu’il a fait, et ce sont tous ces remerciements qu’il faut faire dans son assiette. Aussi dans la préparation de tout ce qui est donné, et un bon cuisinier sait accommoder les restes et les parties les moins nobles. J’ai aussi travaillé avec des diététiciens et j’ai compris certaines associations et la science des aliments et des textures. Je les applique toujours dans ma cuisine et pour ma propre alimentation. Respecter les produits, les cuissons, les goûts, c’est une science comme un art et cela permet d’avoir un équilibre harmonieux et pleins de saveurs. Les clients qui restent à l’hôtellerie de la Bastide me disent toujours : “Nous mangeons plus que d’habitude et pourtant, nous avons une faim de loup avant chaque repas !” C’est cela une cuisine saine, digeste et équilibrée. Et moi je fais une cuisine pleine de couleurs, pleines d’émotions dans les goûts et dans la vérité ; je ne cherche pas à tricher. Je ne cherche pas à faire des fioritures qui ne servent à rien. Si je mets une fleur, c’est qu’elle va apporter un goût et une importance. Mettre une fleur de genêts ou une fleur de romarin qui va vous donner des arômes subtils (le romarin c’est très puissant, mais la fleur c’est plus délicat). C’est plein de douceur et de féminité et qui va bien avec la cuisine de notre région, une cuisine méditerranéenne, provençale et de la Côte d’Azur.

En conclusion, dans mon métier, on devient propriétaire et on désire s’installer personnellement pour que notre cuisine, notre région, notre site, correspondent tous ensemble à la même facette et soient le reflet de notre différence. C’est cela l’authenticité, votre authenticité. Mais pour y arriver, il faut avoir fait le tour, car vous ne pouvez comprendre cette authenticité qu’en réunissant tous les éléments. Il faut aussi aller au cœur des choses. Et l’on devient soi-même lorsque toutes ces choses emblématiques qui font une vie, se trouvent réunifiées. C’est fondamental car pour devenir un grand chef, il faut avoir son identité. Il faut créer cette identité, cette signature, comme un peintre ou un couturier. Pour moi, tout s’est révélé en arrivant ici car j’ai été saisi par l’exotisme des lieux. Et cela m’a donné les mains libres pour inventer autre chose, créer des associations nouvelles, des arômes et des parfums auxquels personne n’avait pensé, car j’étais vierge de la culture locale. Les guides et les médias sont venus goûter toute cette variété et ils ont trouvé une cuisine moderne et créative, complètement revisitée. C’est cela la révolution dans le goût, dans le style et dans la cuisine, et c’est ce qui m’a fait connaître.”

Textes et photos sont une création originale de ©Carine Mouradian, suite à une rencontre le 3 août 2017 – Tous droits réservés.

Lien vers le site de Jacques Chibois

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