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Lauren Collin, la douce poétique du papier sculpté

Légère comme un papillon, avec des mains de fée. Ainsi vous accueille-t’-elle dans son atelier où se révèlent à votre regard ses délicates œuvres en papier. Lauren Collin est une artisane d’art enracinée et aérienne à la fois, qui puise sa signature dans son histoire familiale, en travaillant le papier au scalpel, entre ombre et lumière, forme et vide, volume et plat. Des créations qui font du bien, fruits d’un travail méticuleux et porteuses d’instants précieux, qui parlent d’élégance et de douceur, de la nature partout présente. Chaque vision est alors une caresse de lumière qui nous conduit à l’émerveillement, dans un raffinement ultime qui décèle l’âme du papier et la beauté poétique du monde.

Une famille de créateurs

“Je viens d’une famille aimante avec un papa stomatologue qui était chirurgien maxillo-facial et une maman dans les arts décoratifs, qui avait aussi une spécialisation de peintre en décors.” Lauren grandit en région parisienne, avec le jardin comme terrain de jeu, et apprend en regardant faire ses parents. Sa mère qui dessinait beaucoup et créait des aquarelles ou des objets utiles, et son père qui soignait ses patients avec des scalpels. La petite fille est fascinée par ces travaux et déjà, décide de faire un métier tourné vers les autres, en l’associant à sa grande créativité. “J’avais hérité de son microscope et j’adorais regarder les petites feuilles sous les plaques de verre et scruter l’infiniment petit.”  Puis ce carnet de dessins qui signe sa précocité, avec un grand niveau de détails et de couleurs dans chaque fleur et papillon. Dans sa famille, tout le monde a la fibre artistique : un illustrateur célèbre, des musiciens, un grand-père expert-comptable et passionné de ferronnerie, puis sa grand-mère bien aimée, partie trop tôt, qui vivait en totale immersion dans la nature. “Les poules, les lapins, le rythme des saisons et le temps sacré consacré à faire la cuisine… J’ai là mes plus beaux souvenirs…”  Au lycée, Lauren Collin choisit l’option « biologie de laboratoire et paramédical » et s’investit dans les motifs de forme technique du vivant ; puis elle reprend un parcours généraliste en cherchant comment allier son esprit scientifique et son goût artistique…  même si elle devrait s’orienter vers des métiers encore dédiés aux hommes.

Trouver sa vocation

Après avoir réussi brillamment l’option « arts plastiques » au baccalauréat, elle s’inscrit en classes préparatoires à l’atelier de Sèvres à Paris.  “J’avais obtenu de très bonnes notes, ce qui me réconfortait dans le choix de cette voie et j’avais soif d’apprendre toutes les disciplines en laissant encore ouvert le choix de ma spécialisation.” Construire des projets, aiguiser son regard, donner le meilleur de soi-même… elle trouve ici son épanouissement. “J’aimais particulièrement le design, pour créer des objets qui soient utiles et faciles à manier… comment être assis confortablement par exemple. C’était ma manière d’aider, autrement qu’en étant médecin ou vétérinaire.” Lauren franchit le pas en entrant en deuxième année à l’École de direction artistique et d’architecture intérieure Penninghen. Malgré la coloration masculine du métier que l’on vous décrit au départ, elle a trouvé sa place et sa créativité peut enfin s’exprimer sur tous les supports, et notamment le papier. Enfant, elle avait aménagé son restaurant dans la cabane du jardin. Ici, elle réalise une maquette de restaurant pour son diplôme d’architecture d’intérieur. “Il y avait plein de dents creuses à Paris et c’était de sublimer ce vide entre deux immeubles avec juste une plateforme qui allait progressivement sur les toits avec une vue sublime sur la capitale et un chef qui met en avant les produits locaux  Une expérience sensorielle inoubliable avec l’horizon sans limites et la délicatesse des saveurs pour les papilles. Elle utilise de plus en plus le papier, pour son épure et sa transparence, jusqu’à en faire sa signature. Et avec une invention à elle… “des stries que j’avais fait au cutter sur un plexi qui donnait des raies toutes blanches comme des vagues. Je trouvais cela très beau ! J’ai alors commencé à faire des entailles sur le papier et cela ne m’a jamais plus quitté.”

Des papiers sculptés

Désormais toutes ses maquettes auront cette signature. Très pures avec des jeux de grains de transparence, et des dessins dans l’épaisseur du papier qui révèlent des volumes insoupçonnés, dans un graphisme qui évolue avec ombre et lumière. Son diplôme va séduire le cabinet Gilles & Boissier. “Il est un peu spécial, présenté dans une boîte dont les bords sont sculptés en papier, et tout est en papier japonais en forme d’accordéon ; donc c’est une centaine de feuilles reliées les unes aux autres, qui racontent ainsi mon savoir-faire et ma personnalité.”  Lauren Collin y exercera pendant plus de 3 ans le métier d’architecte d’intérieur. “J’ai pu avoir des clients, comprendre leur langage, traduire leurs besoins. Quand on fait un plan il faut que tout soit beau à l’œil, soit harmonieux et que ce soit proportionnel au corps et tout doit se retrouver aussi dans une pièce, ce qui est encore plus difficile parce qu’on se retrouve dans un format plus petit… J’avais besoin de cette progression pour arriver à l’art d’aujourd’hui.”

Dans ce cabinet, elle continuera ses essais le soir en tant qu’artiste plasticienne, et découvrira de plus en plus l’étendue des possibles. Elle va se servir aussi des scalpels de son père, bien plus légers pour entailler des feuilles aquarelle Arches de bonne densité (850 ou 640 grammes), et la suite s’enchaînera très vite. Une première création sur un papier lisse au grain satiné, où son geste un peu courbe révèle des pétales et un somptueux bouquet de fleurs qui rappelle les moulures en staff des beaux appartements. Elle décide alors de se consacrer entièrement à son art, “difficile à décrire… avec un côté très répétitif du mouvement conjugué à une créativité sans limites.”

Se nourrir de chaque rencontre

Les sculptures lumineuses de Lauren Collin sont désormais reconnues et consacrées par de multiples récompenses. Arrivée finaliste du Prix Liliane Bettencourt pour l’intelligence de la main, elle est aussi nommée artiste européenne Homo Faber de la fondation Michelangelo. Un métier qui se vit certes en solitaire, mais dont toute la raison d’être est dans les rencontres. Les projets qu’elles mènent révèlent toute l’authenticité de sa démarche et son univers fait de douceur, de simplicité et d’élégance. Bientôt, elle va exposer une pièce qu’elle affectionne particulièrement dans le musée Gustav-Lübcke à Hamm en Allemagne. “Je l’ai conçue durant ma grossesse puis retravaillé encore jusqu’en septembre dernier. Elle porte donc en elle une empreinte personnelle très forte et une réelle évolution de ma vie de femme.”  Une pièce très florale avec une explosion de fleurs, qui sera présentée parmi d’autres œuvres dédiées au papier.

Et après ses pièces uniques pour l’hôtel Crillon, il y a cette rencontre avec le Chef Christophe Hay, deux étoiles au Michelin, qui ouvrira bientôt à Blois, son premier hôtel 5 étoiles avec un restaurant gastronomique, une brasserie, un kiosque à pâtisserie et un spa au bord du fleuve. “Cela s’appellera « Fleur de Loire », un nom si beau et il y aura dans chacune des 44 chambres, une représentation d’une de mes œuvres en papier conçu pour l’occasion.”  De gracieuses gouttelettes scintillantes, comme les reflets de la Loire,  pleine de fraîcheur et de vie, qui seront moulées par un artisan français et dont l’empreinte en plâtre, différente à chaque fois, sera exposée au regard des chanceux clients. Ce sont des territoires, des morceaux de nature, des univers, des visions qui me font évoluer aussi personnellement et j’aimerais continuer à me donner toute entière dans ce genre de projet qui donne du sens et résonne dans mon parcours…”

A 33 ans, cette artiste si profonde et lumineuse, aura réussi son rêve d’enfant. Prendre soin des autres en apportant une touche de grâce et de légèreté dans la vie du monde. Comment concilier l’harmonie observée dans la nature, sur un matériau aussi fragile mais avec tant de potentiel ? Là réside la métamorphose du papier en œuvre texturée, et Lauren Collin se laisse façonner elle-même dans chaque projet, pour voir naître sous ses doigts une création toujours nouvelle, où l’essence de l’être rejoint l’essentiel dans un hymne sans fin.

 

Textes et photos sont une création originale de ©Carine Mouradian, suite à une rencontre le 25 février 2022 – Tous droits réservés.

Galerie photos de Lauren Collin

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